
À travers des jeux vidéos et des concours, le gouvernement russe forme des mineurs à la fabrication et l’utilisation de drones, selon une enquête du média russe indépendant The Insider. Des centaines de milliers de jeunes y ont déjà participé.
La plateforme Berloga

Peu après l’invasion russe en Ukraine en février 2022, le Kremlin a créé la plateforme Berloga («la tanière» en russe). Le but de ce jeu: sauver une planète fictive peuplée par des «ours intelligents» d’une invasion de «cyberabeilles», en défendant du «miel énergétique» à l’aide de drones.
«Ce n’est pas un épisode de Black Mirror»

«Ce n’est pas un épisode de Black Mirror, mais un véritable programme financé par l’État qui exploite l’intelligence des enfants les plus brillants de Russie pour attaquer les villes ukrainiennes», écrit The Insider.
Des points bonus au bac russe

En guise de motivation, Berloga permet aux étudiants d’obtenir jusqu’à 10 points bonus au bac russe, condition clé d’accès aux meilleures universités. Une preuve que le programme est approuvé par le ministère de l’Éducation russe.
Piloté par l’Agence pour les initiatives stratégiques

Au-delà de son côté ludique, cette application lancée en 2022 à Sébastopol, en Crimée, sert de porte d’entrée vers un gigantesque parcours de formation technico-militaire piloté par l’Agence pour les initiatives stratégiques (ASI). «L’idée est qu’une fois qu’un étudiant prometteur entre dans le pipeline de l’ASI, il ne le quitte plus jamais», avance The Insider.
800 000 combattants de «cyberabeilles»

«Les développeurs de la plateforme […] espèrent que plus de 800 000 combattants de cyberabeilles finiront par passer à la programmation et à l’assemblage de drones réels», affirme le média.
16500 jeunes se ruent vers un concours

En effet, les joueurs les plus performants sont ensuite invités à des compétitions dans plusieurs domaines comme la biomédecine ou l’énergie. Ces épreuves peuvent conduire à des stages dans des entreprises partenaires de défense russe, la plupart sous sanctions internationales. En 2025, l’un de ces concours a attiré un nombre record de 16500 jeunes.
Semblable à des missions militaires

Les tâches qui y sont demandées ressemblent souvent à des missions militaires. Stas, un élève de treize ans ayant participé à un des concours, explique avoir «travaillé sur un projet intitulé: Livrer de l’eau à des endroits difficiles d’accès. Je crois que c’est plutôt clair que ces bouteilles d’eau n’en sont pas vraiment, non? Pensez à la forme d’une bombe et à celle d’une bouteille. Il y a une certaine ressemblance».
«On nous interdisait de dire que c’était nécessaire pour la guerre», explique un jeune

«On nous interdisait de dire que c’était nécessaire pour la guerre, et nous avons inventé des applications civiles. C’est un programme pour enfants… Un projet doit toujours avoir un double objectif, surtout pour un élève. C’est une règle tacite que j’ai observée à chaque concours », souligne un des participants.
Des modèles d'étudiants retenus par l'industrie

Par ailleurs, certaines des idées des étudiants finissent par voir le jour dans l’industrie. Par exemple, un «prototype de drone imaginé par des collégiens» a été retenu par la société Yakovlev, un constructeur aéronautique russe.
Les conventions internationales sur les droits de l’enfant

«De telles actions constituent une violation de l’article 32 de la Convention relative aux droits de l’enfant et de l’article 3 de la Convention n° 182 de l’Organisation internationale du travail. Cette dernière interdit les pires formes de travail des enfants, auxquelles la Russie participe», explique Sergei Golubok, avocat et défenseur des droits de l’homme.