Mélanie Joly n’aurait jamais lu les contrats de Stellantis, selon un rapport de la commission
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Lors d'une réunion de comité le mardi 25 novembre, concernant les investissements dans Stellantis, le député conservateur Jeremy Patzer a réussi à obtenir que Mélanie Joly, ministre de Développement économique du Canada pour les régions du Québec, n'ait jamais lu les contrats qu'elle prétendait que Stellantis avait enfreints.

Le problème découle de l'annonce faite par Stellantis de délocaliser la production de la Jeep Compass aux États-Unis, ce qui a entraîné le licenciement de 3 000 Canadiens. La ministre Mélanie Joly affirme que Stellantis a rompu le contrat en agissant de la sorte, mais elle n'a pas été en mesure d'en fournir la preuve.

La réunion a atteint son paroxysme lorsque des témoins ont affirmé que ni Mme Joly, ni le Bureau du Conseil privé (BCP), ni l'équipe juridique du gouvernement n'avaient lu l'intégralité du contrat de 15 milliards de dollars avant de le signer.

Le comble?

Stellantis était censé assister à la réunion, mais n'a pas pu la suivre en raison de « problèmes informatiques ».

Philip Jennings, sous-ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique (ISED), Stephanie Tanton, sous-ministre adjointe d'Innovation Canada, Denis Martel, directeur général d'Innovation Canada, et Benoit Tessier, directeur général du Secteur de l'industrie, tous nommés, étaient présents à la réunion.

Que sont les contrats Stellantis?

Le gouvernement du Canada a signé un accord de plusieurs milliards de dollars avec le constructeur automobile Stellantis pour la construction d'une usine de batteries à Windsor, en Ontario. Au total, le gouvernement du Canada a signé trois contrats avec Stellantis, qui peuvent tous être annulés si Stellantis ne respecte pas certaines clauses.

Le problème est que nous ne savons pas ce que contiennent ces contrats, et le ministre qui les a signés ne le sait peut-être pas non plus. Le gouvernement du Canada a publié 70 pages de documents, mais ceux-ci ont été lourdement expurgés, laissant d'autres fonctionnaires s'interroger sur les détails.

Au total, les contrats prévoient des possibilités d'investissement canadien de 15 milliards de dollars à l'aide de fonds publics.

Joly n'a jamais lu le contrat?

Lors de la réunion du 25 novembre, à laquelle un représentant de Stellantis était censé assister mais ne s'est pas présenté, Jeremy Patzer a découvert que personne n'avait lu le contrat.

Lorsque le député de Swift Current – Grasslands – Kindersley (Saskatchewan) a eu l'occasion d'interroger les témoins, il a d'abord demandé si Mme Joly avait approuvé toutes les expurgations, ce à quoi M. Jennings a répondu:

« Nous n'avons pas eu d'interaction avec le cabinet du ministre à ce sujet, en ce qui concerne les expurgations. »

Lorsque M. Patzer a insisté davantage, en demandant:

« Le ministre a-t-il vu le contrat entièrement expurgé? »

M. Jennings a alors continué à parler de lui-même et du ministre.

La réponse a manifestement surpris M. Patzer, qui a pris un temps d'arrêt avant de poursuivre:

« Vous dites que seules quatre, voire six autres personnes ont vu ce contrat? Le Conseil privé (PCO) a-t-il vu le contrat? »

Jennings a ensuite précisé que « ces contrats ont été négociés avant que je ne sois adjoint… s'ils avaient été négociés lorsque j'étais adjoint, j'aurais vu les documents », mais il n'a pas pu confirmer si l'adjoint précédent avait vu les contrats.

On demande alors à Jennings si un service juridique quelconque a vu les contrats, ce à quoi il demande de réunir Tanton, Martel et Tessier.

Tanton a répondu en disant que le service juridique supervisait certaines clauses du contrat, mais « voient-ils l'ensemble? Denis? Non, je ne pense pas ».

Denis Martel secoue alors la tête lorsqu'elle se tourne vers lui au milieu de sa phrase.

Patzer reste bouche bée. Un contrat estimé à 15 milliards de dollars n'aurait donc pas été supervisé dans son intégralité par une équipe juridique avant d'être signée par des représentants élus du gouvernement à la demande d'employés nommés du ministère.

On peut donc se demander comment la ministre Mélanie Joly sait quelles clauses Stellantis a enfreintes et combien d'autres éléments du contrat permettent aux entreprises de supprimer des emplois au Canada

Rupture d'un contrat que vous n'avez jamais vu

Les soupçons concernant l'accord de 15 milliards de dollars ont commencé lors d'une réunion qui s'est tenue le 3 novembre en présence de la ministre Joly elle-même.

La réunion a débuté par un discours de Mme Joly, qui a affirmé que Stellantis avait rompu son contrat en ce qui concerne les garanties d'emploi et que le gouvernement prendrait des mesures pour rectifier la situation.

Lorsqu'elle a été interrogée sur les détails de la garantie d'emploi prévue dans le contrat, Joly n'a pas été en mesure de fournir des chiffres précis. Le gouvernement n'ayant publié qu'une version fortement expurgée du contrat, les membres de la commission n'ont pas pu contester ses affirmations.

Mélanie Joly a expliqué que l'une des raisons pour lesquelles le contrat avait été expurgé était le caractère « commercialement sensible » de certaines questions. Pourtant, le gouvernement n'a eu aucun mal à publier des versions non expurgées d'un contrat similaire signé avec NextStar Energy pour financer une usine de batteries, ce qui a suscité des questions au Parlement.

Mme Joly n'a ensuite pas répondu à une question sur une clause spécifique liant les trois contrats de Stellantis.

Charles Vincent est le premier sous-ministre adjoint du secteur de l'industrie.

Des affirmations contrastées

LA MALBAIE, CANADA – 14 MARS : La ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, s'adresse à la presse lors du discours de clôture de la réunion des ministres des Affaires étrangères du G7 au Fairmont Manoir Richelieu, le 14 mars 2025 à La Malbaie, au Canada. Les ministres des Affaires étrangères du Groupe des sept grandes démocraties – Allemagne, Grande-Bretagne, Canada, États-Unis, France, Italie et Japon – se réuniront du 12 au 14 mars. (Photo par Andrej Ivanov/Getty Images)

Peu après avoir tenté de se défausser sur M. Vincent, Mme Joly a fait une déclaration contradictoire, affirmant que « [le contrat] est lié au fait que l'usine de Brampton doit fonctionner – si l'usine de Brampton cesse sa production, il y aura une violation de contrat ».

Charles Vincent a affirmé qu'il y avait « des engagements réguliers autour des emplois, autour du maintien des activités ».

Là encore, pas de détails.

On a ensuite demandé à Mme Joly si elle retirerait le financement (jusqu'à 15 milliards de dollars) si les 3 000 employés licenciés à Brampton n'étaient pas « correctement équipés ».

Elle a répondu qu'elle continuerait à demander des comptes à Stellantis, mais elle a refusé de confirmer si le gouvernement réduirait le financement.

« Vous êtes restés assez évasifs sur les chiffres, sur la question de savoir s'il y a une véritable garantie. Cela devrait être explicite si vous allez donner un montant historique de financement par les contribuables. Je ne suis pas sûre que vous compreniez le montant que vous avez engagé

-Raquel Dancho

Raquel Dancho a expliqué que 647 000 ménages composés de deux personnes auraient besoin d'une année entière de travail pour financer ce projet de loi.

Incompréhension

Il est plus que probable que la députée Dancho ait raison ; la ministre Joly ne comprendrait pas le montant parce qu'elle n'aurait pas lu une version non éditée du contrat qu'elle a signé.

Selon M. Patzer, le gouvernement a déjà versé près d'un demi-milliard de dollars dans le cadre de ce contrat et, apparemment, aucun élu n'en aurait vu les détails.

Un contrat conçu pour créer des emplois au Canada pourrait finir par financer des usines en Amérique.