
Le Kremlin resserre son emprise sur l’élite russe: de grandes figures du monde des affaires et de la Garde nationale russe ont été arrêtées.
Perdre son empire

Konstantin Strukov, le patron d’une entreprise russe spécialisée dans l’extraction de l’or, considéré comme un allié fidèle du président Vladimir Poutine, risque de perdre son empire et faire face à de sérieux ennuis avec la justice.
Intercepté à bord de son jet privé
Selon le quotidien économique Kommersant, Strukov, le 78e citoyen le plus riche de Russie, a été arrêté par la police alors qu’il était à bord de son jet privé, le 5 juillet. Ce dernier s’apprêtait à partir de Tcheliabinsk pour la Turquie, malgré une interdiction de quitter le territoire émise le 2 juillet par un tribunal.
Accusé de corruption

Le milliardaire, dont la fortune est estimée à 1,9 milliard de dollars par Forbes, est accusé de corruption. Selon Kommersant, il aurait utilisé sa position officielle pour transférer des actifs à son entreprise.
Le siège d'Uzhuralzoloto perquisitionné

Le FSB (le service de renseignement intérieur) a perquisitionné le siège moscovite d’Uzhuralzoloto, la compagnie de Strukov. Le but des services secrets: enquêter sur les violations présumées des normes environnementales et de sécurité dans plusieurs des mines de l’entreprise ainsi que sur des décès sur certains de ses sites.
Sa fortune hors des frontières russes

D’après l’agence de presse russe Tass, le procureur général de Russie a demandé à la justice de saisir tous les actifs de Strukov pour qu’ils soient transférés à l’État. Les autorités russes demandent également au Kremlin de prendre le contrôle de d’autres sociétés que Strukov a fait inscrire dans des pays européens au nom de sa fille, qui a la nationalité suisse. Dans l’acte d’accusation, elles dénoncent comment le milliardaire aurait transférer une partie de sa fortune hors des frontières russes pour financer un train de vie luxueux.
La loyauté financière selon Poutine

«Un entrepreneur responsable est un vrai citoyen russe qui n’ouvre pas des sociétés à l’étranger pour y placer une partie de ses avoirs et qui se met ainsi à la merci des puissances étrangères», avait déclaré le président russe Vladimir Poutine lors d’un forum d’entrepreneurs en mars 2023.
L’exemple d’un oligarque à la loyauté irréprochable

Strukov semblait pourtant être, jusqu’à présent, l’exemple du grand patron russe à la loyauté irréprochable. Ce dernier était un membre du parti présidentiel et un élu au Parlement de la région de Tcheliabinsk. Il avait également reçu la médaille du mérite en 2021.
La déclaration de Stephen Hall

«[Le Kremlin] cherche à envoyer un message comme quoi la loyauté est primordiale… On peut être corrompu, mais pas excessivement, et pas sans montrer de la loyauté», a déclaré Stephen Hall, professeur adjoint en politique russe et post-soviétique à l’Université de Bath, au média ukrainien indépendant Kyiv Indepedent.
Le cas du milliardaire Vadim Moshkovich

Ce n’est pas la première fois que l’État saisit des biens d’oligarques russes. C’est notamment le cas du milliardaire Vadim Moshkovich, le fondateur de l’une des plus grandes entreprises agricoles de Russie, Rusagro. Ce dernier est également en détention provisoire depuis fin mars, pour détournement de fonds.
Une reprise en main des secteurs stratégiques

À l’origine, le Kremlin avait comme but de reprendre possesion de branches russes de groupes étrangers qui ne pouvaient plus ou ne voulaient plus faire des affaires en Russie à cause des sanctions et de la guerre, rapporte France 24. Or, l’exemple d’Uzhuralzoloto démontre que les groupes russes peuvent aussi être touchés. «Il y a une reprise en main des secteurs dits stratégiques ou critiques, tels que l’or, et d’autres matières premières, notamment agricoles», a expliqué au média Maximilian Hess, fondateur du cabinet de conseil Ementena Advisory et auteur de Economic War: Ukraine and the Global Conflict between Russia and the West.
Intensifier les saisies d'actifs nationaux

Selon l’économiste Evgueni Nadorchine, Moscou devrait continuer à saisir les actifs nationaux à l’avenir: «L’appétit vient en mangeant, et l’État a besoin de plus d’argent que l’année dernière. Peut-être même plus que durant les trois années précédentes de l’opération militaire spéciale (soit la guerre avec l’Ukraine)», a-t-il déclaré à l’agence de presse Reuters.
La Garde nationale dans la mire du Kremlin

Par ailleurs, le Kremlin n’a pas seulement abattu sa foudre sur le monde des affaires. En effet, Viktor Strigunov, anciennement directeur adjoint de la Garde nationale jusqu’en 2023, a été arrêté pour corruption et abus de pouvoir en début juillet. D’autres membres de la Garde nationale font également l’objet d’enquête pour des impératifs similaires, relate le Moscow Times, organe de presse russe anglophone indépendant.
Le contrôle de l'appareil économique et politique

«C’est le signe que Vladimir Poutine ressort de vieilles ficelles qu’il a déjà utilisées par le passé, consistant à multiplier les arrestations pour donner l’impression que les problèmes du pays viennent d’individus corrompus et qu’il est le seul à pouvoir arranger la situation», souligne Maximilian Hess. Selon ce spécialiste, l’arrestation de Konstantin Strukov et la nationalisation d’entreprises stratégiques visent à renforcer le contrôle déjà quasi exclusif de Vladimir Poutine sur l’appareil économique et politique russe.